Malgré la victoire du Nouveau front populaire après le second tour des élections législatives, aucune majorité ne se dessine à l’Assemblée nationale. Pour la première fois en France, un gouvernement de coalition se profile où les différents groupes politiques devront faire des compromis, dossiers par dossiers. En matière d’énergies, les quatre grandes formations ont des approches différentes mais peuvent se rassembler sur certains points.
Faire baisser la facture énergétique des Français, voici la mesure phare sur laquelle s’accordent tous les partis. Moins 15% dès l’hiver prochain pour Ensemble (Renaissance, UDI, Modem et Parti radical), moins 30 à 40% pour le RN.
Des annonces populaires, alors que le prix du gaz vient d’augmenter en moyenne de 11.7% au 1er juillet 2024 et après une crise énergétique qui a conduit à des factures exorbitantes. Ces promesses sont-elles réalisables dans un marché européen de l’énergie ?
Le Parlement européen a adopté en avril 2024 une réforme du marché de l’électricité axée sur les échanges entre pays membres et les contrats de gré à gré ou contrats longs pour stabiliser les prix et la production.
Contrôler les prix de l’énergie : une promesse alléchante difficilement réalisable
Rassemblement national et Nouveau front populaire annoncent dans leur programme une sortie de ce marché européen de l’électricité pour revenir à un tarif fixe en France. Le parti d’extrême droite promet de baisser la TVA de 20 à 5.5% sur l’énergie. Mais là encore, cela pourrait coincer au niveau de Bruxelles qui interdit notamment une TVA inférieure à 15% sur les carburants. Difficile de trouver des alliés dans l’assemblée pour porter cette mesure.
Le bloc de gauche entend bloquer par décret les prix sur des produits de première nécessité dont le gaz, l’électricité et le carburant et raboter les superprofits des énergéticiens, estimés à 30 milliards d’euros par la Cour des Comptes. Le NFP prévoit de supprimer l’accise sur l’électricité (l’ancienne CSPE ou TICFE)-en cours de restauration après la levée progressive du bouclier tarifaire-, d’annuler la récente augmentation du gaz et de rendre gratuit les premiers litres d’eau et kilowattheures d’électricité, une mesure estimée à 8,5 milliards d’euros par Bercy.
Les Républicains souhaitent pour leur part réduire l’accise sur l’électricité, tout comme le TURPE sur l’usage du réseau public. Le parti de droite, largement divisé après le rapprochement de l’ancien président Éric Ciotti avec le RN, ne proposait pas de programme clair pour les législatives. A l’occasion des élections européennes, le président du parti François Xavier Bellamy assumait une politique énergétique basée sur la construction de nouvelles centrales nucléaires, sans en indiquer le nombre, et une incitation fiscale pour isoler les logements tout en levant l’interdiction de louer des passoires thermiques.
Mix énergétique : le nucléaire divise le NFP
La plupart des groupes politiques prônent un renforcement du nucléaire qui représente toujours 66% du mix énergétique français. Le parti d’Emmanuel Macron, deuxième force à la chambre basse, annonce construire 8 nouveaux réacteurs en plus des 6 EPR2 déjà prévus. Le Rassemblement national, arrivé troisième, soutient un plan Marie Curie de relance de l’atome avec l’ambitieuse construction de 20 nouveaux réacteurs.
A gauche le sujet divise depuis longtemps. Si les écologistes et les insoumis défendent un abandon du nucléaire, les communistes sont en faveur. Les socialistes le voient comme une énergie de transition. « Nous ne sortirons pas du nucléaire tant que nous n’aurons pas amené les énergies renouvelables à maturité et tant que nous ne serons pas souverains sur le plan énergétique » annonçait Olivier Faure, secrétaire du PS, il y a quelques jours. Si le nouveau groupe forme un gouvernement cette division peut poser un problème structurel quant à la politique énergétique à suivre.
La gauche assume le plus le virage vers les énergies renouvelables avec des projets hydroliens et d’éolien off-shore. Le groupe en tête veut relancer la mise en place d’une loi climat-énergie et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Les mots « climat » ou « énergies renouvelables » n’apparaissaient pas dans le programme du RN et étaient rapidement évoquées dans la feuille de route de Gabriel Attal, maintenu premier ministre pour l’instant. Le non-respect de l’objectif européen de 42.5% d’énergies renouvelables d’ici 2030 pourrait conduire à des amendes de la part de Bruxelles.
Les deux partis les plus à droite (LR et RN) parient sur l’hydrogène comme alternative au charbon, sans préciser la stratégie pour développer la filière.
Attention au cadre européen
L’énergie représente une préoccupation importante pour les Français avec des factures plus onéreuses, liée à l’importation de Gaz naturel liquéfié (GNL) et un marché européen de l’électricité en cours de construction. Assurer un accès abordable à l’énergie figure naturellement dans tous les programmes mais les promesses les plus alléchantes omettent parfois de mentionner ce cadre européen.
Conscient de la difficulté de sortir des règles européennes, Jordan Bardella avait rétropédalé face aux représentants du Medef sur la sortie du marché commun de l’électricité. « J’engagerai avec la Commission européenne une négociation sur la base de ce qui avait été fait par l’Espagne et le Portugal pour permettre à la France de retrouver un prix français de l’électricité", a-t-il déclaré devant les patrons français. A la différence de la France, les deux pays de la péninsule ibérique sont mal reliés au réseau européen et influent peu sur les prix de l’énergie.
Tout contrôle de prix doit être exceptionnel et une sortie précipitée du marché commun pourrait provoquer des pénuries alors que les centrales nucléaires françaises souffrent d’un manque d’entretien et ne peuvent fonctionner à 100% de leur capacité. La France a importé de l’électricité en 2022. L’interconnexion des réseaux est aussi nécessaire pour parfois absorber le surplus des voisins. Développer ce marché implique également une stratégie politique claire en matière d’énergie, difficile à atteindre dans une Europe fracturée.
Tableau récapitulatif des propositions des quatre formations qualifiées au second tour